Dans le port de Tanger, il y a des chalutiers accrochés les uns aux autres, comme pour se tenir chaud. Dans le port de Tanger, il y a des marins qui errent le long des quais délavés par la pluie. Dans le port de Tanger, il y a des enfants qui mendient un morceau de pain. Dans le port de Tanger, il y a des ferries qui dorment contre le quai, en mal d’armateurs, en mal de partance. Dans le port de Tanger, il y a des enfants qui se jettent à l’eau, la nuit. Ils traversent tout le port avec un petit baluchon de plastique gonflé en guise de flotteur, pour atteindre les bateaux qui vont en Espagne et se hisser le long des amarres, dans l’espoir de passer de l’autre côté. Dans le port de Tanger, il y a des centaines de chats, des chats joueurs ou taciturnes, sauvages ou sociables, farauds ou furtifs, des centaines de chats de toutes les couleurs. Dans le port de Tanger, il y a des immondices et des excréments, des rats crevés et des bidons qui flottent sur des eaux noires de cambouis. Dans le port de Tanger, il y a des petits restaurants où l’on mange du poisson frit sur des nappes de gros papier. Dans le port de Tanger, il y a des bâtiments à moitié démolis et laissés tels quels, une zone franche à l’abandon, un marché aux poissons à toute heure du jour, Dans le port de Tanger, il y a des voiliers attachés au cul d’un ferry qui ne navigue plus, des voiliers en rang d’oignons, en panne de moteur, ou de voiles, ou en attente d’une bonne brise pour s’envoler, s’échapper.
C’est là que nous sommes depuis deux semaines. Sans eau, sans électricité, sans douches.
Ca,c’est notre échelle pour monter sur le quai, un pneu de tracteur. Vous le voyez à marée haute. Quand la mer est basse, tout le pneu est au-dessus de l’eau et il faut l’escalader.
Le lendemain de notre arrivée ici, notre moteur a refusé de démarrer… Cela a été une galère invraisemblable pour faire réparer. Les mécaniciens locaux ont bien failli nous achever définitivement notre machine à coudre.Heureusement pour nous, notre voisin Manfred a pris les choses en mains et nous a sauvé. C’est un bricoleur de génie -il fabriquait des outils spéciaux pour l’industrie avant de revendre sa boîte et de construire son bateau- il sait tout faire et on lui doit une sacré chandelle.
Et maintenant, les remerciements :
Erika et Manfred, d’Autriche. Ils nous ont aidés au-dela de toute mesure.
Johan et Andora, de Norvège, pour la sympathie, la bonne humeur et le prêt d’une super pompe à main
Troils et Jakob, du Danemark, pour les conseils de navigation, le soutien moral et une super soirée sur leur bateau
Tamara et Stanislav, de Russie, pour le coup de main, la chaleur et leur proposition de nous remorquer jusqu’à Ceuta si on n’arrivait pas à réparer.
Parfois, après la pluie :
Demain, après 3 semaines dans ce trou à rats, nous retournons en Espagne, à la Linéa, vers la douche, l’électricité, la machine à laver (mon royaume pour une machine à laver). on y attendra des jours meilleurs pour repartir vers les Canaries.